Réduire les « heures sales » et créer de la valeur

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De nombreuses entreprises éprouvent des difficultés face la crise actuelle des prix de l’énergie. Certaines entreprises à forte consommation d’énergie ont même été contraintes d’arrêter leur production en raison des prix élevés. D’autres recherchent des mesures d’économie permettant de réduire considérablement les coûts. Avez-vous déjà examiné d’un œil critique ce que l’on appelle les « heures sales » dans votre organisation ?

Les « heures sales » sont les heures d’arrêt non planifié d’une installation où les machines sont à température, sous pression, sous tension alors que rien n’est produit. Cette situation signifie donc que de l’énergie est consommée – avec les coûts associés – mais comme la productivité est nulle, aucun revenu n’est généré. Sans compter l’impact sur l’environnement et la perte de matières premières.

Améliorer la disponibilité technique

Ces fameuses « heures sales » entraînent donc des coûts énergétiques élevés par produit. Mais comment pouvons-nous faire en sorte que ces coûts soient réduits ? Tout simplement en se concentrant sur l’amélioration de la disponibilité technique des installations. Cela a un effet positif non seulement sur la productivité, mais aussi sur le rapport énergétique.
Peter Decaigny, partner de Mainnovation, explique : « Nous constatons régulièrement que les gestionnaires de l’énergie – et les autres personnes impliquées dans l’efficacité énergétique – se concentrent souvent sur les options techniques de pointe pour réduire la consommation d’énergie. Non pas que ces questions soient sans importance, mais souvent une amélioration durable de la disponibilité technique génère une création de valeur bien supérieure. Non seulement nous réduisons ces « heures sales », mais nous fournissons également des produits supplémentaires et le chiffre d’affaires associé. On fait donc d’une pierre deux coups. »

Une approche différente

Cependant, améliorer la disponibilité technique est plus facile à dire qu’à faire. Mais comment s’y prendre ? Decaigny donne un très bon conseil : « Nous devons porter un regard critique sur les temps d’arrêt non planifiés. Cela peut sembler évident, mais nous ne sommes pas toujours conscients des nombreuses minutes d’immobilisation d’une machine ou d’une ligne de production. Et plusieurs minutes ensemble font rapidement une heure. » Nous pouvons distinguer les temps d’arrêt non planifiés courts et longs. Quelles en sont les causes ? Peut-on réduire le nombre et la durée de ces temps d’arrêt ? Et que faut-il faire pour y parvenir ? « Il apparaîtra également que la lutte contre ces arrêts courts et longs, nécessite deux équipes différentes, composées de profils différents, chacuns ayant un apport spécifique au niveau des connaissances et des compétences. »

Vuile uren reducerenDe courts arrêts non planifiés

Un premier levier de valeur à actionner réside donc dans l’amélioration des petits temps d’arrêt non planifiés, les fameux « micro-arrêts ». Ceux-ci ne durent pas longtemps, mais sont fréquents et ont donc un impact important. L’élimination de ces arrêts peut dans de nombreux cas se faire par de petits ajustements au niveau technique et non-technique. « Le processus commence par la cartographie de ces micro-arrêts. À quel moment la machine ou la ligne de production s’est-elle arrêtée ? Quelle en était la raison ou la cause ? Combien de temps cela a-t-il duré ? Et qu’a-t-on fait pour remédier à cet arrêt ? » Decaigny met en garde contre un piège récurrent en disant « qu’il peut parfois être tentant de ne pas considérer un micro-arrêt comme tel. On entend des justifications du type « oui, mais c’est normal » ou « cela arrive toujours après un switch », mais la résolution de ces arrêts pourrait justement être la solution la plus efficace et la plus rentable. »

Découvertes surprenantes

Analyser les arrêts afin d’améliorer efficacement la disponibilité technique, devra être un effort conjoint de l’opérateur de production et du technicien. « L’opérateur a souvent un ordre d’action figé. Soit on lui a appris cette façon de faire – il y a longtemps – soit, il a lui-même fait des ajustements dans ses actions qui sont, à son avis, efficaces et correctes. Par exemple, il sait qu’il doit appuyer dix fois sur le bouton de réinitialisation à chaque changement de format et cela ne l’empêche pas de dormir car selon lui, c’est la bonne manière de faire. »
Le technicien a également adapté sa façon de travailler. Dans le cas où Il sait qu’une certaine pièce tombe régulièrement en panne, il en prévoit plus qu’assez en stock. « Mais est-il normal que ce composant tombe continuellement en panne ? Et les différentes actions effectuées lors du remplacement de la pièce sont-elles correctes ou conduisent-elles, indirectement, à un arrêt ? Si l’on analyse de manière critique les micro-arrêts, cela peut conduire à des découvertes surprenantes… »

Situation réelle

Pour approfondir le sujet, Decaigny donne un exemple tiré d’une situation réelle : « Sur une certaine ligne de production, il y a un capteur qui doit détecter si le produit roule sur la bande de manière ordonnée. Les lentilles de ce capteur doivent être nettoyées à intervalles réguliers pour garantir son bon fonctionnement. Or, lorsqu’un nouvel opérateur est en poste, le nettoyage des lentilles est souvent négligé. » Decaigny s’empresse de dire qu’il ne s’agit certainement pas d’une ignorance de l’opérateur. « Il se peut même que l’on ne sache pas que c’est nécessaire. Peut-être que c’est simplement mal enseigné ou que cela n’a jamais été enseigné. » C’est précisément la raison pour laquelle la recherche de la « cause profonde » et donc de la cause du temps d’arrêt, est un effort conjoint. Dans cet exemple, c’est le technicien qui possède cette connaissance et il peut la partager avec l’opérateur. « Pas seulement avec cet opérateur en particulier, mais avec toute l’équipe », ajoute Decaigny. « Une certaine méthode de travail s’est parfois banalisée. Et une solution – parfois très simple – peut éliminer un micro-arrêt courant et ainsi annuler de nombreuses minutes de pertes de production. »

Ingénierie de fiabilité

Une approche multidisciplinaire est également essentielle pour faire face à des arrêts plus importants et plus complexes. D’après Decaigny « les employés de production, de maintenance, de l’ingénierie et parfois même les fournisseurs apportent tous des connaissances et des compétences spécifiques. Un bon ingénieur en fiabilité réunit les compétences nécessaires et applique la bonne technique d’analyse. De cette façon, les solutions potentielles sont évaluées, validées et mises en œuvre. Et ce qui est peut-être le plus important, c’est qu’en s’attaquant à ce problème au sein d’une même équipe, nous bénéficions immédiatement du soutien adéquat pour rendre le changement durable. »
Lorsque les solutions pour éliminer ou raccourcir les micro-arrêts ou les temps d’arrêt plus longs sont finalement mises en œuvre, il est judicieux d’envisager également la procédure de gestion du changement. Decaigny « quels sont les effets possibles des adaptations des processus ou des méthodes de travail sur l’environnement ou sur la sécurité ? En outre, il est important de se demander si nous devons également déployer ces ajustements (après évaluation) à d’autres installations similaires. Enfin, nous devons documenter cela correctement et mettre à jour tous les documents et dessins nécessaires. »

Étonnamment, si de gros bénéfices sont effectivement réalisables, les micro-arrêts ne sont souvent pas éliminés et la procédure de gestion du changement n’est pas appliquée. Decaigny : « la réduction de ces « heures sales » est pourtant recommandée pour plusieurs raisons. Elle génère de la valeur pour l’entreprise et pour les employés. De plus, comme nous l’avons signalé, les machines sont à température, sous pression et sous tension et le fait de les utiliser efficacement est également bon pour l’environnement. Petit effort, grand bénéfice. »Feuille de route pour réduire les heures sales :

En bref:

    1. Faire une liste exhaustive de tous les temps d’arrêt non planifiés en s’appuyant sur différents collaborateurs ;
    2. Se concentrer sur les arrêts fréquents/récurrents ;
    3. Analyser ces arrêts en examinant étape par étape ce qui les précède et ce qui en est la(les) cause(s)/raison(s) possible(s) (analyse des causes racines) ;
    4. Identifier les spécialistes auxquels il faut faire appel pour trouver des solutions à ces arrêts (une approche multidisciplinaire est indispensable) ;
    5. Décrire ce qui est nécessaire pour mettre en œuvre la bonne solution. Par exemple :
      a. Ajuster les instructions de l’opérateur/les instructions de travail ;
      b. Mettre en œuvre les ajustements sur d’autres lignes/autres sites ;
      c. Suivre la procédure de gestion des changements pour vérifier si les ajustements ne comportent pas de risques pour l’environnement ou la sécurité.
    6. A ce stade, déployer les solutions retenues ;
    7. Après un certain temps, refaire une liste des temps d’arrêt pour voir s’ils ont vraiment disparu et si de nouveaux ne sont pas apparus (le cycle Plan-Do-Check-Act).