Peut-on faire des châteaux de sable avec du sable lâche ?

Articles, MaintWorld 11/21

Comment des données apparemment sans valeur, peuvent encore être utiles


Internet des objets, big data et maintenance prévisionnelle sont censés être les grandes promesses du XXIe siècle. Plus de temps d’arrêt non planifié, car il devient possible de prédire toutes les défaillances. Mais de nombreuses entreprises se débattent avec ces évolutions. Elles disent qu’il n’y a pratiquement pas de données disponibles, et remettent en cause la possibilité des nouvelles technologies. Il semble qu’il s’agisse de « sable lâche »… jusqu’à ce que vous commenciez à travailler avec.

Le domaine de la maintenance se développe. De plus en plus, la maintenance et la gestion des actifs sont mentionnées en étant associées. Alors que la maintenance se concentre principalement sur le présent et l’avenir proche – les actifs doivent fonctionner pour être en mesure de fournir la production ou le service requis – la gestion des actifs concerne davantage la planification à long terme, les questions de cycle de vie et la modernisation. L’objectif est de surveiller la durée de vie des actifs et aussi de lancer des projets d’investissement au bon moment pour garantir la sécurité et la fiabilité.

Mauvaise qualité des données ?

Mettre en œuvre la gestion d’actifs exige des connaissances sur la durée de vie prévue, l’utilisation, la dégradation et, finalement, la défaillance des actifs. « D’après notre expérience, les entreprises qui pensent disposer de données de faible qualité, ont au moins ces chiffres à leur disposition ! », déclare Peter Decaigny de Mainnovation. « Et ils sont plus utiles qu’on ne le pense ».
Les entreprises qui sont régies par l’illusion de l’instant – en fonctionnant comme une brigade de pompiers et en se concentrant sur la maintenance corrective – peinent à avoir une vue d’ensemble. Peter Decaigny ajoute : « Tout le monde est occupé, des dysfonctionnements se produisent régulièrement et l’on s’attache surtout à les résoudre le plus rapidement possible. L’idée fausse est que l’enregistrement de ces temps d’arrêt n’est que du ‘sable lâche’. Mais si vous comparez le temps d’indisponibilité (en heures) avec la fréquence des pannes – le nombre de pannes – vous avez un aperçu des actifs qui causent souvent des temps d’indisponibilité prolongés. Ce sont alors les actifs auxquels vous devez prêter attention. En cherchant la cause ou la raison de ces temps d’arrêt, on peut peut-être les résoudre ou les supprimer. Nous avons une idée du « Mean Time Between Failure » et du « Mean Time To Repair », ce qui nous aide à tirer les bonnes conclusions. »

Incohérent ?

Dans un autre cas, il y a une bonne quantité de données disponibles, mais il ne semble pas y avoir de cohérence. Cela ressemble à une histoire dont on ne peut tirer aucune conclusion. Mais ici aussi, le message est : « Commencez par ce que vous savez ».
La première étape consiste à collecter et à analyser les données. Si l’analyse ne fait que soulever des questions et n’apporte aucun éclairage, il est conseillé de porter un regard critique sur la représentation de ces chiffres. P. Decaigny : « Nous pouvons, par exemple, représenter le Time To Failure par ordre chronologique. Ainsi, combien de semaines ont été nécessaires pour qu’un actif tombe en panne. Cela peut donner lieu à un nombre arbitraire de chiffres. De 120 semaines, à 40 semaines, à 16 semaines et puis soudainement 118 semaines à nouveau. Il est difficile d’en tirer des conclusions. Nous voyons des entreprises commettre l’erreur de prendre une moyenne. Dans cet exemple, on remplacerait un actif avant la 74e semaine, mais est-ce « juste à temps » ou s’agit-il de destruction de capital ? » Les données peuvent souvent, au départ, mener à la confusion plutôt qu’à la clairvoyance. « Mais n’abandonnez pas », dit P. Decaigny. « Commencez à combiner les données. Utilisez d’autres modèles qui comparent différentes valeurs au temps de défaillance. Ou concentrez-vous sur les pics pour comprendre ce qui cause les valeurs aberrantes ».

Big Data

Mainnovation a des clients dans les secteurs manufacturiers, dans les entreprises de flotte et dans le domaine des infrastructures. C’est à dire une grande variété d’actifs. Depuis des centrales électriques, des entreprises de stockage et des installations industrielles, jusqu’aux sociétés de transport et gestionnaires de diverses infrastructures. « Chaque actif est unique. Même des actifs comparables présentent des facteurs spécifiques tels que le mode d’utilisation, le niveau de maintenance, mais aussi les compétences et les outils des opérateurs et du service technique », explique P. Decaigny. « En outre, il y a, par exemple, les influences météorologiques, la pression ou l’humidité qui peuvent avoir des effets négatifs sur les matériaux. Nous connaissons l’expression « un produit du lundi matin », mais il faudrait en fait l’adapter à « un produit du mardi après-midi », car statistiquement, cela s’avère être un mauvais moment de production. Comment cela se fait-il ? Personne ne le sait ». Avec cela, P. Decaigny veut souligner que nous ne pouvons pas simplement nous fier aveuglément aux chiffres. « Tout commence par les données. Et en travaillant avec elles, vous pouvez améliorer les données. Il apparaîtra alors clairement que le facteur ‘température’ – à titre d’exemple – doit également être pris en compte. Et qui sait, vous découvrirez peut-être que l’opérateur du jeudi après-midi préfère travailler avec une fenêtre ouverte. »

Facteurs de valeur

Une analyse correcte des données disponibles est donc d’une grande importance. Non seulement lorsque des données minimales sont disponibles, mais aussi lorsque nous utilisons des big data et prenons en compte divers facteurs externes. En outre, il devient de plus en plus difficile de comparer des pommes avec des pommes et de tirer des conclusions.
Une autre approche pour commencer avec les données consiste à déterminer d’abord quel est le plus important facteur de valeur. En d’autres termes : que devons-nous viser pour créer de la valeur avec la maintenance et apporter une contribution positive au résultat d’exploitation. « Cela peut varier d’une entreprise à l’autre, voire d’une usine à l’autre », explique Peter Decaigny. « Alors que l’une veut viser un niveau de disponibilité maximal, parce que la demande pour le produit est très élevée, l’autre peut devoir se concentrer sur la réduction des coûts. Il y a aussi de la valeur à réduire les risques (de sécurité) ou peut-être vaut-il mieux investir dans la modernisation maintenant parce que cela a une valeur ajoutée économique à long terme. » Ce sont là les quatre moteurs de valeur issus de la méthodologie VDMXL de Mainnovation. « Et celui qui veut piloter dans quatre directions finira par s’immobiliser, ce n’est donc jamais une bonne idée. »

Comparer

Dans le premier exemple que nous avons mentionné dans cet article – où il s’agissait de minimiser les temps d’arrêt – l’accent était mis sur l’utilisation des actifs et l’amélioration du temps de fonctionnement. Dans ce cas-ci, nous optons pour le levier de valeur contrôle des coûts. Si c’est l’objectif, il est nécessaire de collecter des données pour aider à prendre des décisions sur les dépenses opérationnelles (OPEX). Mais comment savoir si ces coûts sont trop élevés et peuvent éventuellement être réduits ? P. Decaigny a une réponse simple à cette question : « Comparer, par exemple en faisant du benchmarking ». Mainnovation dispose d’une base de données de benchmarking de plus de 1.000 entreprises. La comparaison des données avec des entreprises du même secteur d’activité permet de se faire une idée réaliste du potentiel d’amélioration. En divisant le montant de l’investissement par la valeur de remplacement, il est toujours possible de comparer les grandes et les petites entreprises. P. Decaigny : « Pour cela, le big data n’est pas un must. Mais il est important de choisir les bonnes données. En comparant des pommes avec des pommes, vous savez où vous en êtes et quelles sont les possibilités pour avancer et pour vous rapprocher de votre objectif commercial. »

Nous avons donc vu qu’il est bon de faire le grand saut et de se lancer. Même si cela ressemble à du sable ‘lâche’, il est possible de construire des châteaux de sable. Un dernier conseil que P. Decaigny aime aussi donner est le suivant : « Faites le savoir. Laissez l’atelier participer. Montrez les données, montrez les améliorations afin que les gens comprennent aussi sur quels boutons ils doivent agir – au sens propre ou figuré – pour obtenir des chiffres encore plus positifs. »